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Formation interculturelle en entreprise

J’ai eu la chance dans le passé de travailler en Afrique de l’Ouest au Burkina Faso, au Nunavik avec les travailleurs inuits ainsi qu’à la Baie-James avec des gens de la collectivité cri. Toutes ces expériences furent extraordinaires et fort enrichissantes et c’est grâce à cela aujourd’hui que je peux dire que je suis devenu un meilleur formateur.

Quand je repense à tous les postes que j’ai occupés dans le domaine de la formation en région éloignée, j’ai souvent le même commentaire de plusieurs gestionnaires expatriés qui me revient en tête lorsqu’ils parlent des travailleurs locaux  » bon sens, ils ne comprennent rien, c’est pourtant simple non ! » Influencé moi-même par ce commentaire lors de ma première expérience d’expatriation, et je m’en excuse profondément encore aujourd’hui, je n’arrivais pas à comprendre pourquoi les travailleurs locaux avaient de la difficulté à compléter des examens qui pourtant à mes yeux étaient très facile à faire.

En discutant avec des responsables des différentes communautés, j’ai réalisé que même si de nos jours nous avons tous accès à une multitude d’informations de façon instantanée et la meilleure technologie qui soit en ce moment, rien ne pourra jamais effacer les origines et les racines profondes qui proviennent de notre enfance.

C’est alors que je me suis rappelé la célèbre citation qui dit… « il faut savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va » aujourd’hui en ce moment même où j’écris ce blogue, j’ai 51 ans, plusieurs d’entre vous qui me lisez présentement ont peut-être plus ou moins mon âge, mais rappelons-nous cher lecteur, lorsque nous étions enfant, pour la plupart d’entre-nous, nous avons eu accès à la maternelle, l’école élémentaire et l’école secondaire.

Après cela c’était le début de nos choix d’adulte, mais je reviens plutôt à d’où l’on vient… notre plus tendre enfance. Ceux et celles, tout comme moi ont grandi en milieu urbain et rural, très jeune nous avons appris à lire, à écrire, à calculer. Ensuite nos professeurs nous ont habitués à comment utiliser des documents pour faire des recherches, faire des travaux en équipe, faire des présentations orales devant la classe, nous on amener à penser et à avoir un esprit créateur et critique sur plusieurs sujets.

Vous allez me dire, « Ben quoi Sylvain, il n’y a rien d’extraordinaire dans ce que tu viens d’énumérer ! » c’est vrai et je vous l’accorde, mais pour nous qui a grandi dans ce système il n’y a rien de phénoménal, mais pour plusieurs gens qui ont grandi en milieu éloigné, ce système n’était pas disponible ou n’était simplement pas adapté à leur milieu ou à leur culture.

Est-ce que le système dans lequel j’ai grandi est meilleur que celui des Inuits, des Cris ou des Burkinabés?

Non… il est juste différent. Combien de fois dans mon enfance on m’a demandé « Hey Sylvain! Qu’est-ce que tu vas faire lorsque tu seras grand ? «  ou plutôt plus vieux, car je ne suis pas très grand aujourd’hui, seulement 1m67, mais bon j’ai dû l’accepter 😊.

Très jeune selon mes intérêts, sans ressentiment, on m’a conditionné à développer diverses compétences pour me diriger vers un choix de carrière. Chez les peuples que j’ai côtoyés, l’industrialisation n’a jamais été très présente dans leurs milieux. Les gens ne pouvaient donc pas développer des compétences reliées à ce secteur d’activité et c’est normal, car « loin des yeux, loin du cœur comme on dit » en étant en région éloignée, l’enseignement qu’ils ont reçu a été centré de façon naturelle sur le développement humain comme le respect, l’entraide, la famille et la nature qui les entourent et les nourri.

Mais même si leur milieu est différent du mien, j’ai constaté que nous avions un point en commun lors de l’apprentissage d’une nouvelle tâche et c’est le compagnonnage. Quelqu’un avec un bagage d’expérience et qui comprend les difficultés auxquelles l’apprenti fait face.

Dans ces communautés l’apprentissage par compagnonnage est un enseignement puissant qui donne de la confiance au nouvel apprenant et une fierté pour le compagnon instructeur. Lorsque j’ai compris cela, j’ai été en mesure de créer des programmes d’apprentissages adaptés aux diversités culturelles centrées sur le compagnonnage avec une personne de confiance pour l’apprenant. Si un nouvel apprenant à de la difficulté à écrire pour compléter un rapport de production il pourra se confier à son compagnon et celui-ci pourra trouver les ressources au département de formation pour aider son élève à surmonter cet obstacle. 

Mais avant d’en arriver au compagnonnage et pour faciliter l’intégration des locaux à leur nouvelle réalité du travail en industrie, mon ami Marc Rivest (formateur spécialisé en milieu culturel) et moi-même avons mis en place chez divers employeurs un programme d’évaluation provenant du gouvernement fédéral qui consiste à vérifier le niveau de connaissance des travailleurs sur 9 compétences essentielles. 

Ces compétences sont :

Donc à la fin de l’évaluation du candidat sur ces points, nous sommes en mesure de diriger adéquatement le nouvel employé vers le bon poste de travail afin qu’il puisse utiliser majoritairement ses forces pour débuter et améliorer ses points faibles au fur et à mesure qu’il évolue dans l’entreprise. Vous serez d’accord avec moi que notre motivation et l’estime de soi sont à leurs meilleures quand nous sommes au bon endroit et que l’on sent que nous sommes en contrôle du nouvel environnement dans lequel on se trouve. 

L’employeur qui réussit à garder ses travailleurs locaux est un employeur qui respecte son engagement envers la communauté qui a accepté sa venue sur son territoire et c’est un moyen de développer une bonne citoyenneté corporative dans le milieu. Ces belles expériences passées au sein des communautés Burkinabés, Inuits et Cris m’ont vraiment fait réaliser à quel point il est important de savoir d’où l’on vient pour savoir vers où l’on veut aller.